Rêverie

Laurius
Tout était d’un noir bleuté, sauf les deux femmes. Toutes deux portaient une ample robe blanche de soie et de dentelle. Toutes deux étaient d’une suprême beauté. L’une était pâle aux cheveux blonds, l’autre avait les cheveux noirs et soyeux.

Elles marchaient avec grâce, on eut dit qu’elles flottaient tels des spectres.

J’allais à leur rencontre. Sans mots dire, caresses et baisers s’échangèrent. Je plantais sans attentes mes crocs dans un des cous au parfum de fleur et à la douceur absolue. Celui de la blonde.

Le sang était un des plus riches et des plus subtils que je n’eusse jamais bu. J’en appréciais la moindre fluctuation de saveur pendant que les caresses le long de mon corps se faisaient plus insistantes. Mon corps tout entier vibrait d’excitation et de plaisir.

J’aspirais le sang avec ardeur, mais il m’en fallait plus.

Je commençais à mordre. Je sentais la chaire, les ligaments et les veines rompre sous mes crocs. Je continuais, ma bouche s’enfonçant de plus en plus profondément. Je dus forcer un peu pour continuer ma progression, la largeur de ma tête m’empêchait d’assouvir mes envies. La plaie se compactait au contact de mes joues.

Je sentais maintenant l’os de la colonne vertébrale se réduire en miette sous l’attaque de mes canines. Les fragments d’os se rependaient dans ma bouche avec une gelée infâme qui devait être la moelle.

Les milliers de particules osseuses irritaient ma gorge.

Je m’éveillais en sursaut, écœuré. Ce soir là, j’eu l’impression de tuer la beauté.

Je me retournais, Earendil était à mes côtés.

Soulagé, je constatais que la beauté existait toujours. Je ne devrais pas la tuer.

RE: Rêverie

Laurius
Je la regardais respirer… Sa chevelure de jais ondulait sous les mouvements réguliers de son corps… Elle était manifestement belle et désirable…

Et pourtant…

« Pourquoi tu as tué la blonde sombre crétin ? »

Bien sûr le choix de mon rêve n’avait pas été si simple dans la réalité… J’avais choisi ma mort pour des raisons que je n’osais pas m’avouer… Cela avait tué la bonté d’un être… Ce n’est pas le genre de chose qui me gênait habituellement… mais là je devais me coltiner cette peste…

Et pourtant…

Elle avait beau être complètement différente de celle que j’avais laissée, elle demeurait Mon Earendil… Jamais je ne pourrais cesser de l’aimer, et cet amour n’était pas la simple réminiscence de quelque chose de si profondément incrusté en moi que je ne faisais que le subir…

Rester avec elle était un choix que j’assumais… Même si je ne pouvais définir pourquoi…

J’étais un peu nerveux… La situation actuelle était la résultante de choix aveugles… pourquoi mes rêves ne m’avaient pas guidé et se contentaient-ils de me narguer désormais ?

Je regardais Mon Ange Destructeur dormir paisiblement. Sa beauté, son calme… On lui aurait confié sa vie sans sourciller… Elle aurait joué avec… Infligé les pires tourments qu’il soit…

Je me levais prestement, mon retour m’avait donné très faim…

Je la regardais encore. Inutile de lui donner encore plus envie de tuer en lui faisant partager ma soif de sang… Elle ne serait jamais mon infante…

RE: Rêverie

Un champ de ruines, une obscurité presque palpable et toujours si effrontément présente.
Le vide, la désolation.
Et un sentiment d’exclusion, de solitude intense, de différence. De tare.
Et pour toute lueur à l’horizon, une envie, que dis-je, un besoin, plus puissant que toute raison : le sang, petite, le sang.
La seule chose qui guide les vampires, un besoin insatiable de boire le sang des misérables mortels que nous sommes, pour alimenter leur corps froid et mort.
Imagine un peu… Tout serait noir autour de toi, les êtres vivants te fuiraient comme la peste et toi-même tu devrais sans relâche tenter d’échapper aux cuisants rayons de Pélor…
Comment, ce n’est pas une vie ? Ah non, ça tu as raison…
Une non-vie, qu’ils appellent ça : leur cœur ne bat plus et ils sont en principe incapables de se reproduire.
Je ne saurais te dire pourquoi ils se multiplient si vite, mais en tout cas je peux te dire comment : ils se repaissent de tout le sang de leur victime puis lui font boire le leur. Contre toute attente, ladite proie se réveille la nuit suivante et entame une autre de ces existences mornes…
Oui, oui, je suis d’accord avec toi, c’est ignoble.
Mais attend, tu ne sais pas le pire : figure toi qu’ils peuvent aussi faire de toi leur goule ! Il s’agit d’humains qui ont goûté une fois le sang d’un vampire et qui en raffolent li-tté-ra-le-ment ; pour continuer à en obtenir, ils deviennent leurs esclaves involontairement volontaires, enfin je me comprend, et doivent répondre à leurs moindres souhaits… Plus fort qu’eux… Ils les contrôlent entièrement, encore un autre de leurs maudits pouvoirs… Ca ne tiendrait qu’à moi, je les ext… Hé, petite, tu m’écoutes ? Non ?
*Petite peste*
Bon et bien, va, va… Courre, vole, et ne reviens plus ! Mais surtout, protège toi des vampires…

[Annales de l’enseignement de Maître Finthras, an 127, 8eme jour du mois du rat, Communauté Elfique du Bout du Désert.]

édité au tour 1647 par Earendil