Première mésaventure de l'année

Wildwind
L’hiver battait son plein sur le désert d’Adept, dont les dunes de sable étaient occasionnellement maculées de blanc.

Wildwind, emmitouflé jusqu’au cou, le chapeau tiré au maximum sur les oreilles, était – chose très rare – de mauvaise humeur. Car – chose plus rare encore – il avait découvert qu’on lui avait menti ; non pas qu’il avait enfin appris que le Père Noël n’existait pas, ni que les cloches ne partaient pas à Rome jusqu’à Pâques, mais on lui avait menti. Et un mensonge collectif en plus ! Tous les membres de la ligue lui avaient dit la même ânerie : « Bonne année Wildwind ! » Ah ! Parce qu’ils trouvaient qu’elle avait été bonne l’année ? se disait-il, bon d’accord, c’est vrai qu’il ne s’était pas fait attaqué trop souvent par les méchants chevaux sanguinaires, que son puit ne s’était effondré mystérieusement qu’une centaine de fois, et que surtout il était encore vivant, mais une bonne année, fallait quand même pas exagérer. Vraiment trop gros, ce mensonge…

Et dire que même Aÿnis lui avait dit un autre mensonge la semaine précédente : « Joyeux noël ! », avait-t-elle chantonné en lui donnant un flacon de pilules.

Wildwind regarda d’un air méfiant ce flacon de pilules, entouré d’un ruban rose, posé sur la margelle du puit, et qui n’avait pas bougé depuis une semaine. Il se méfiait de ce flacon ; non pas qu’il pensait que le contenu était dangereux, car il faisait confiance à Aÿnis, mais c’était le ruban rose qui l’effrayait : il était sûr que dès qu’il s’en approcherai, le ruban tenterai de l’étrangler*.

Wildwind fit le tour du puit pour l’aborder par le côté libre de tout flacon. Il s’était arrangé l’intérieur du puit, installant d’abord une échelle, escamotable une fois qu’on est en bas, et s’était même mis un hamac à mi-hauteur (mi-profondeur plutôt) du puit, car il ne supportait plus de dormir dans l’eau. Hélas, ce matin un des clous avait sauté, tombant sur la glace au fond du puit avec Wildwind. « Et dire que le marteau est au fond du puit, sous la glace ! » se lamentait-il.

« Bonne année, bonne année, ils sont marrants, tiens. Bonne année, ha ! Quand les poules auront des dents, oui. »

Ce fut à peu près à ce moment-là qu’une gallinacée passa non loin de lui, et pour une raison mystérieuse décida de le pincer (ou de le mordre) sauvagement au mollet.

La poule avait-elle des dents ou pas, Jhâampe seul le sait.




*Si vous pensez que sa méfiance était mal fondée, alors vous le connaissez très mal. Wildwind est réellement capable de se faire étrangler par un ruban, surtout un ruban rose.
Je fuis donc je suis, ou plutôt je fuis donc je serai encore