Le nouvel âge d'Adept vient de commencer!

- Tu en es bien sûr ?
- Oui, ça fait des mois que je prépare mon voyage.
- Tu sais que tu risques de le rater ? »

**Il rigole
- Ne t’inquiète pas grand-père, je suis jeune ! Je l’aurai à son prochain passage !
- El Juvente ne passe jamais deux fois…
- Et bien tant pis ! Que m’apporterait-il de bon de toutes façons ? J’ai quinze ans, je n’ai pas envie de me retrouver dans le corps d’un enfant de sept !
- Bon, bon. Comme tu voudras… Mais à mon âge tu le regretteras. »

**Il sourit
- Allez, ne t’inquiète pas davantage, les voisins ont accepté de te mener sur la colline avec les autres doyens, tu n’as pas besoin de moi.
- Et très bientôt je n’aurai plus besoin de personne, héhé ! Quand tu rentreras j’aurai retrouvé toute la vigueur de mes trente ans !

**Ils s’échangent une accolade
- Je crois qu’il est inutile de te répéter qu’il n’y a plus rien là-bas.
- Oui.
- Alors dis bonjour aux terres d’Adept pour moi, et au désert qu’elles sont redevenues.
- Je n’y manquerai pas.

Ca faisait dix jours que le dromadaire d’Antjou allait bon train.
Le voyage n’avait jusque là pas été très heureux : une chute stupide l’ayant momentanément privé de l’usage de son bras gauche.
Le moral n’était pas bien haut non plus : l’horizon était vide de toutes les promesses que lui chantaient les contes de son enfance.
Pourtant le sable avait remplacé la terre : il ne devait plus être bien loin de ce monde prestigieux où jadis avaient fleuri des civilisations nombreuses !
Etait-ce possible qu’il ne reste vraiment rien de cette époque ? Pas un vestige, pas une ruine ?
S’il était, comme il le croyait, arrivé à destination, Antjou ne pourrait, hélas, pas faire d’autre constat.

Il mit pied à terre pour aller caresser un bout de roche desséchée qui était aussi le seul relief à l’horizon.
Le silence était complet.
Autour de lui, il n’y avait effectivement, rien.
Quand soudain…
… une légère musique s’éleva derrière-lui…
Rapidement, elle se changea en tintamarre tandis qu’un souffle lui effleurait le bras gauche, tout à coup guéri !
L’herbe poussait comme par miracle tout autour d’Antjou ! Et des oiseaux s’égayaient dans des arbres subitement apparus !
Mais que se passait-il ?! Levant les yeux au ciel Antjou aperçut alors, virevoltant dans les nues, un courant d’air à la robe arc-en-ciel !
Il frappa le sol de sa tourmente et une colline y poussa aussitôt ! Et sur la colline des fleurs, des arbres, partout des animaux !
El Juvente !
Ainsi le vent de jouvence avait dépassé la côte pour s’enfoncer dans les terres, jusqu’au désert d’Adept !
Antjou restait bouche bée, complètement estomaqué tandis qu’un ours et un petit lapin le tiraient par le bras pour qu’il rejoigne la farandole qui faisait fête dans le bosquet subitement poussé derrière lui !

C’est alors qu’Antjou réalisa en le cherchant des yeux que son dromadaire avait rétréci et ne mesurait plus guère qu’un mètre de haut ! De ce même regard, il vit que le vent, ayant rebondi sur une dune -transformée en oasis- revenait à présent dans sa direction… !! « Attention !! » cria-t-il à lui-même en plongeant sous un buisson.
La bourrasque l’avait manqué de peu ! Elle continua sa route au travers des arbres qui redevinrent des arbrisseaux !

édité au tour 1943 par MisterJ.

Cette nuit-là, Antjou n’eut pas de mal à trouver du bois pour allumer son feu.
La difficulté ce fut de trouver le sommeil à cause d’un vacarme inattendu.
« - Mouhahahaha ! Je vais te tuer !
- Nous sommes déjà morts, idiot… »

A proximité de l’endroit où le jeune homme avait établi son campement, deux revenants se disputaient.
L’un portait une tunique arborant la Lune, celle de l’autre représentait le Soleil.
Ils se donnaient des coups qui transperçaient chacun de leurs hologrammes sans pour autant qu’ils paraissent en ressentir l’impact.

« QUI VEUT MES ARMES ET ARMURES ?? ELLES SONT BELLES MES EPEES ! ELLES SONT BELLES MES HACHES !! »
Antjou se retourna brusquement. Le petit fantôme qui venait de le surprendre lui tendit une dague qu’il accepta sans réfléchir, laquelle fondit rapidement entre ses doigts qu’elle englua d’un ectoplasme visqueux.
« QUI VEUT MES ARMES ET ARMURES ?? ELLES SONT BELLES MES EPEES ! ELLES SONT BELLES MES HACHES !! »
Le petit fantôme poursuivait sa route en renouvelant sa clameur…

A présent tout à fait réveillé, Antjou réalisa que l’endroit où il se trouvait était surpeuplé de fantômes !
Beaucoup se battaient, certains buvaient, d’autres jouaient au docteur… répétant inlassablement les scènes de la vie qu’on leur avait volé : les spectres des adepts passés !

« - Et vous n’apparaissez que la nuit ? » Antjou avait accepté la bière spectrale d’une apparition voisine qui lui avait assuré que c’était « pour la maison », et lui faisait maintenant la conversation.
« - Oh non, nous sommes là aussi le jour, mais nous sommes un peu pâles alors ça ne se voit pas.
- Mais en fin de compte, dites-moi… qu’est-ce qui vous est arrivé ?
- Oh non » répéta l’esprit « nous sommes là aussi le jour, mais nous sommes un peu pâles alors ça ne se voit pas. »

Antjou porta la bière à ses lèvres, perplexe.
Apparemment il y avait certains sujets dont il valait mieux éviter de parler.
Le jeune homme essayait de se trouver une contenance. Il examina son bras guéri et repensa aux évènements de la journée.
Et puis le sol se mit à trembler… légèrement tout d’abord, mais de plus en plus violemment.
La panique s’empara aussitôt de la foule des spectres et Antjou put voir leurs regards s’emplir de folie !
Certains se réjouissaient mais ils n’en étaient pas moins fous pour autant et hurlaient des inepties en se tordant de rire !
Les secousses s’intensifiaient… mais qu’arrivait-il ?!
« A LA MONTAGNE !! » Criaient les fantômes « A LA MONTAGNE !! A LA MONTAGNE !! » et, véritable nuée, ils s’envolèrent tous vers les nues où Antjou ne les distingua plus.

Le sol tremblait toujours.
La surface de sa bière spectrale se troublait, retrouvait sa platitude puis se troublait de nouveau… quelque chose de gigantesque était en train d’approcher… C’est alors que juste devant lui, Antjou vit le sol se gondoler, se fissurer puis se fendre… et avant même qu’il ait eu le temps d’esquisser un seul mouvement, une énorme racine lui transperçait le cœur.

« Enfin, tu te réveilles. »

Antjou n’avait aucune idée de là où il se trouvait.
La première chose qu’il vit ce fut un ciel bleu parsemé de nuages blancs et cotonneux.

« Tu l’as échappé belle tu sais ? »

Reprenant conscience de son corps, il porta une main sur sa poitrine, là où il avait été frappé… plus rien, pas même une cicatrice.
Antjou releva le torse et observa les environs.
Il était dans un petit jardin, à proximité d’un potager, juste au dehors d’une humble chaumière.
A quelques mètres de lui un vieil homme habillé d’une longue robe verte et portant une barbe foisonnante s’escrimait à planter une pancarte.

« Allons jeune homme » continua le vieillard « dis moi comment tu t’appelles. »

Antjou se mit debout. Il s’approcha du vieillard et sans avoir eu le temps de se demander pourquoi, tenta de lui administrer un grand coup de poing que le barbu stoppa du bout de son index.

« Je vois que l’arbre ne t’as pas laissé sans séquelles ».

Toujours soumis à des pulsions haineuses et destructrices, Antjou frappait et frappait encore, distribuant des coups qui n’atteignaient jamais leur cible.

« Il est préférable que tu reprennes un peu de repos » lui conseilla l’ancien. « Moi j’ai pas mal de travail qui m’attend. »

Calmé par son impuissance, Antjou retourna s’asseoir, la bouche bée, le regard un peu abruti par toutes ses aventures.
Il observa longuement le vieillard et la pancarte qu’il avait fini de planter.
On pouvait y lire :