La quête d'un "moi"


Lorsque Pandora ouvrit les yeux, elle dut les refermer aussitôt sous peine de voir sa rétine détruite par les gerbes de sable soulevées par le vent. Apres quelques instants à rassembler ses esprits, se frotter les yeux et après avoir placé sur son visage le tissu fendu qui la protégeait lors de ses pérégrinations désertiques, elle se releva. Son corps tremblait légèrement mais d’une sensation qui ne s’apparentait nullement à la faiblesse. Plutôt une sorte d’étrange trop plein…
Elle jeta un coup d’œil périphérique puis s’arrêta sur une ombre à terre à quelques pas d’elle.

C’était un cadavre. Un cadavre d’homme exsangue. Ses traits de porcelaine étaient figés en une expression de profonde terreur. Ses vêtements avaient été sauvagement arrachés et des hématomes maculaient son corps.
[I]Pauvre chose…[/I]
Elle aurait aussi bien pu dire pauvre vieux machin pour ce qu’il lui en importait…

La jeune femme, pas spécialement émue donc par ce qui n’était somme toutes qu’un cadavre de pauvre hère siffla son cheval qui accouru avec respect.

[I]Mais… Merde ![/I]
Qu’est ce qu’elle pouvait bien foutre en plein milieu du désert ?!
La question vint la frapper brusquement et elle était incapable d’y apporter une réponse. Elle se souvenait s’être mise à la recherche de son aimé petit frère fugueur puis des bribes de choses étranges qu’elle ne pouvait pas recadrer correctement.
[I]Merde ![/I]
C’était le mot… pas très confortable comme situation.
Au bout de quelques secondes à réfléchir, sa main se mit à trembler. Elle la remonta lentement le long de sa jeune poitrine, puis de son cou, pour l’arrêter sur ses lèvres, traçant un sillon clair dans la nappe de sang ni sèche, ni dégoulinante, juste humide, qui la couvrait. Un frisson glacial lui parcouru l ‘échine.

Quelques secondes plus tard, elle enfourchait son cheval, se refusant à observer les marques sur le corps de l’homme, redoutant d’y découvrir celles de ses propres dents. Une larme de ce sang qui n’était pas le sien et qui la remplissait jusqu'à n’en plus pouvoir coula sur sa joue pour venir se mêler à celui qui ourlait déjà sa bouche de vermeil.
Le mal qui était en son ancien maître serait passé en elle dans ce baiser mordant ?
Le mal pouvait-il se glisser impunément chez une personne qui l’avait toujours renié ? L’avait-elle vraiment toujours renié ? Etait-ce les touts puissants esprits qui lui imposaient en surface ce que son être profond cachait ?
Etait-elle intrinsèquement mauvaise?

Une seule chose était sure, et cette chose la bouleversait plus encore que les questions qu’elle se posait sur son propre « moi ».
Elle devait plus s’approcher de Renald.
Elle était un démon, elle était le mal. C’est pour cette ultime décision qu’elle ne tourna pas la bride vers le camp pirate mais vers les bords du désert, vers cette extrémité d’où elle venait, vers ses origines, vers ses sœurs…

Car qui connaissait mieux son « moi » à elle que Féanor et Mélissandre si elle-même était incapable de le sonder ? Qui connaissait mieux Pandora qu’elles ? Elles qui avaient été perdues plus de 7 ans auparavant…
Ses deux sœurs jumelles