Conte du désert

Wildwind
Il était une fois…

L’après-midi caniculaire entamait sa course dans le désert.

Wildwind n’avait même plus le courage de continuer à puiser, et il restait donc immobile, assis sur la margelle du puit, les jambes pendant dans le vide, sa tête penchée en avant pour profiter de l’air frais qui remontait du gouffre qu’était le fond du puit.
Même Blanquette, habituellement très affairée à suivre partout Aÿnis pour manger ses plantes fraîchement –pardon, chaudement- ramassées, ou à l’occasion tendant des embuscades à Väinä pour lui boulotter la barbe (les chèvres sont très jalouses des barbes d’autrui), Blanquette donc, gisait sur le flanc à l’ombre du puit, la tête appuyée sur les pierres fraîches.

Vint alors Aÿnis, qui s’adossa à l’ombre du puit, à côté de la chèvre :
« Salut, wildwind.
‘lut.
fait trop chaud pour chercher des plantes aujourd’hui…même sous les palmiers, fait trop chaud…vent chaud, tu sais…
oui. Comme si quelqu’un avait laissé la porte d’un four à pain géant ouverte.
‘xactement, Wildwind. »


Il était une fois…

Aÿnis, Blanquette, et Wildwind somnolaient déjà lorsque le vent chaud du désert souffla mollement autour d’eux. On avait l’impression que même lui avait trop chaud pour s’activer.
Et pourtantÂ…

Le vent portait une mélopée grave et faible.
Mais bientôt six oreilles purent entendre une sorte de chanson étrange, une chanson tout droit venue du désert…


Il était une fois…

C’était l’histoire de trois mages-rois, qui portaient les noms étranges de Drapsag, Zartabal, et Emclihro*. Ils suivaient depuis des jours une étoile qui les guidait dans le désert. Enfin, qui les aurait guidés s’ils s’étaient pas trompés d’étoile.

Comme quoi, ils n’étaient sûrement pas des mages.
Bon, bref, où en étais-je ? Ah, oui…

Ces trois pseudo mages – mettons juste rois, bien qu’ils n’avaient peut être pas de royaume – étaient partis pour une noble quête : ils devaient aller féliciter une bonne femme qui avait pour fils un messie ou un prophète, enfin, quelque chose de ce goût-là…

Bon, d’accord, si on avait demandé leur avis, ils ne seraient pas partis, mais leurs grand-mères respectives les avaient houspillés jusqu’à ce que fuite s’en suive (il faut dire que les grand-mères savent des choses que peu de mortels savent°, fait constaté dans tous les univers, même ceux qui ne sont peuplés que d’éphémères…)

Tout dÂ’abord, ils eurent une panne de chameau.
Zartabal, qui était réparateur de chameaux (ben, oui, c’est bien d’être roi, mais il faut bien un métier plus sérieux pour se nourrir), resta en arrière pouir réparer les deux – trois chameaux cassés. « ne vous en faites pas, les gars, dit-il, je prendrai l’étoile suivante »

Quelques jours plus tard, la moitié du troupeau s’enfuit, et Drapsag partit à sa recherche (il ne revînt jamais, car les chameaux perdus et lui tombèrent dans un mirage).

Quant à Emclihro –ah ! Comment avez-vous deviné qu’il allait lui arriver quelque chose ?-eh bien, il se cassa une dent !
L’histoire ne dit pas si c’est sur du pain de nain, mais la probabilité est de 89.726/100 que ça soit le cas. Ce que dit l’histoire, par contre, c’est qu’il s’est ensuite fait enlever par la fée des dents**( qui avait sans doute abusé des romans à l’eau de rose, alors quand elle est tombée sur un roi solitaire perdu dans le désert sur son chameau de course, hem… vous devinez la suite)

Deux jours plus tard, Zartabal retrouva les traces de ses compagnons, ou plutôt les traces qui s’arrêtaient subitement.
C’est bien dommage que l’histoire s’arrête là, car on ne sait pas ce qu’est devenu Zartabal, mais sans doute qu’il s’est retrouvé un beau matin devant chez lui, se demandant comment il était arrivé là…en tout cas, certaines mauvaises langues pourront dire qu’il doit être quelque part dans l’arbre généalogique de Wildwind, vu toute la poisse qu’il a eu, non ?


Il était une fois…

Ayant fini son histoire, le vent tomba brusquement, et les bruits habituels de la ligue purent donc revenir.

Aÿnis se réveilla (enfin, se réveilla-t-elle ? Elle n’était pas sûre d’avoir dormi) lorsqu’elle entendit un « plouf » sonore : Wildwind avait mépris les bruits de sabots d’un centaure marchant non loin de là pour ceux d’une vache folle venue l’empaler sur ses cornes (Aÿnis n’avait pas été étonnée d’apprendre que Wildwind avait perdu une grand-mère de cette façon-là). Tout de même, se dit-elle alors qu’elle aidait un wildwind tout pensif à sortir du puit (il n’avait presque pas remarqué qu’il avait sauté dedans), il était bien étrange, ce vent…






*D’accord, d’accord, c’est à la base un sujet religieux, mais bon, si vous ne voulez pas voir une histoire de mages-rois, remplacez-les par trois lapins roses partis dans le désert à la recherche de la Carotte Magique.

°par exemple lire et écrire sans faire de fautes

** même filière que la petite souris
Je fuis donc je suis, ou plutôt je fuis donc je serai encore